« Le 25 décembre est la célébration du mystère de notre salut. Ce salut est venu dans le monde par Jésus-Christ ; Il est entré dans le monde par sa naissance à Bethléem. Ce jour est une grande solennité au début de l’année liturgique. Noël est aussi la célébration de la Paix puisque Jésus est né parmi nous comme Prince de la paix. Cette solennité d’Espérance est l’essence du Christ dans notre vie qui ouvre pour nous le salut. En pensant à ce message, je voudrais donner au peuple de Dieu, à toutes les personnes de bonne volonté cette parole du prophète Esaïe au neuvième chapitre premier verset que nous allons entendre surement dans les célébrations eucharistiques de Noël dans la messe de la nuit. Isaïe dit : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière », c’est tous les symboles de Noël.
Cela nous rejoint, nous population de Goma, communauté chrétienne de Goma, dans le concret de notre vie. Quand Isaïe l’a dit, il s’adressait à une population qui était en exil à Babylone en déplacement de guerre. Cette population vivait en scrutant le moindre signe d’espérance qui pouvait lui être donné, son retour dans la terre promise. Retour à Jérusalem où était érigé le temple de Dieu, le mont Sion…c’était le retour vers la cité pour reprendre la vie spirituelle et offrir des sacrifices, des cultes autour du temple de Jérusalem.
Je pense que nous sommes dans la même situation aujourd’hui. Quand nous voyons autour de nous dans la périphérie de la ville de Goma, plus de 15 milles personnes sont déplacées de guerre. Ils sont dans des camps de fortune en cette saison pluvieuse ; ils sont dans la misère, la pauvreté, ils n’ont pas à manger ni de quoi se vêtir. Je pense vraiment à eux pendant cette période de Noël.
Quand est-ce que cette guerre pourra finir ? Quand est-ce que ces gens qui ont été déplacés de force pourront rentrer dans leurs villages ?, dans leurs champs ?, cultiver et avoir à manger à satiété ?…Autant des questions qui me préoccupent. Ils trouveront leurs maisons détruites, peut être incendiées des portes défoncées… ils trouveront qu’on les a pillés, mais au moins ils retourneront chez eux, c’est ça notre espérance. Même nous qui vivons ici à Goma, nous ne sommes pas dans la tranquillité. Nous sommes toujours sous la menace, l’angoisse de se demander qu’est-ce qui peut arriver, si la guerre arrive en ville de Goma… Noël pour nous peut se résumer en cette espérance-là de voir la fin de la guerre des forces loyalistes et la rébellion du M23, voir le retour de nos frères et sœurs déplacés chez eux, pour trouver leurs maisons. Que les familles puissent se réunir puisqu’il y a celles qui sont séparées à cause de la guerre, qu’ils retrouvent la joie de vivre dans leur milieu parmi les leurs où ils ont toujours vécu.
Mais vous savez, si tout cela est arrivé, c’est peut- être certainement qu’il y a les ténèbres qui approuvent son point dans notre péché, dans notre cœur. S’il y a la guerre aujourd’hui, c’est puisqu’il y a des hommes et des femmes qui ont un cœur dur, qui sont égoïstes, qui cherchent à tout prix le pouvoir, à s’enrichir sur le dos des pauvres, à les exploiter…ils utilisent la violence pour avoir le pouvoir, ils bafouent la justice sociale ; ils se sont donnés à la corruption en pensant qu’avec l’argent on peut tout acheter.
Nous devons commencer par demander pardon au Seigneur pour nos péchés car tout ce que nous vivons part de notre cœur. C’est du cœur de l’homme que sortent les mauvaises choses, Jésus l’a dit dans les évangiles. Pendant ce temps de Noël, nous devons d’abord demander à Dieu la Grâce de la conversion puisque nous sommes marqués par le péché qui nous rend comme complices de cette guerre que nous connaissons. Commençons par demander la conversion du cœur afin que nous puissions vivre les valeurs de l’évangile, de la fraternité, de la vérité, de la communion fraternelle, les valeurs de l’unité de tous les congolais mais aussi de toute l’Église.
Cette communion fraternelle à laquelle nous invite toujours le Pape François : que nous soyons sensibles à la justice puisqu’à la source de cette guerre, il y a sûrement des questions justice qui doivent nous marquer autour de partage de terre, des carrées miniers qui sont des richesses mais qui sont exploités par une petite portion de la population au détriment de la grande majorité de la population. Nous avons à demander au Seigneur la conversion. Que nous puissions désormais apprendre à vivre les valeurs évangéliques, chrétiennes, pendant ce temps de Noël, apprendre à laisser les antivaleurs de la violence, du mensonge, de l’exploitation des pauvres, de la haine, de l’hypocrisie ; je crois qu’il est temps pour nous d’apprendre à les laisser de côté si vraiment nous voulons que la paix revienne dans notre milieu, notre région.
Ensuite dans ce message, je voudrais m’adresser à mes frères et sœurs dans la foi chrétienne et à toutes les personnes de bonne volonté. Je pense à un proverbe Haussa du Niger qui dit : « Si tu perds le chemin, reviens au point de départ », je pense pour nous chrétiens aujourd’hui ; nous marchons dans l’obscurité, nous avons quelque peu perdu le repère, on ne voit pas très bien l’avenir. Alors, il est important de revenir au point de départ dans notre foi chrétienne, à l’histoire de notre Eglise, à la première communauté chrétienne. J’ai pensé en ce jour-ci à la vie de cette première communauté qui peut nous inspirer aujourd’hui.
Il y avait trois piliers autour desquels était construite cette première Eglise. L’auteur Saint Luc du livre des Actes nous dit au chapitre 2, 42 ; que la communauté chrétienne était assidue à entendre l’enseignement des apôtres. Elle se tournait vers la communion fraternelle et se montrait fidèle. Ils étaient aussi assidus à la fraction du pain (la célébration de l’eucharistie) ; et quand je vois la vie de notre communauté, chrétienne, je pense à cela et je me dis qu’on vit la fraction du pain à travers l’eucharistie.
Par l’enseignement des apôtres, nos prêtres et évêques prêchent l’évangile mais, je crois que nous ne mettons pas toujours en pratique ce que nous enseigne l’Eglise.
Pendant ce temps où nous allons accueillir Jésus, il est important que nous apprenions à vivre la parole que nous enseigne l’Eglise et surtout, dans le troisième pilier de la fidélité à la communion fraternelle. On est en besoin dans la situation où nous sommes, la population vit dans l’angoisse, dans la souffrance d’être déplacé ; on a besoin de la communion fraternelle, de l’amour entre nous comme nos premières communautés chrétiennes.
Mes frères et mes sœurs, je sais que nous vivons cette communion fraternelle dans le partage. Mais je crains deux choses :
- Notre partage se réduit souvent à une communion avec les membres de nos familles, nos amis, nos clans, tribus… et nous oublions les pauvres, les orphelins, les veuves, les déplacés de guerre.
- Cette communion se limite seulement au partage des biens matériels. Une fois qu’on a donné une couverture et à manger, on se limite là. Or, notre communion doit être vécue par le partage de nos valeurs profondes de l’évangile, de la foi, de l’espérance, de l’amour.
Aux parents, je demande de parler de l’évangile à leurs enfants, de la naissance de Jésus… leur donner toute une catéchèse de Jésus, leur partager la foi, l’espérance, l’amour, la parole de Dieu ; pas seulement distribuer les biens matériels (cadeaux) qui nous habite.
Que notre partage nous ouvre aussi à tout le monde ; pas seulement ceux qui sont proches de nous par la tribu, la langue, les affinités, la famille…mais toute personne qui est dans le besoin peu importe ses origines, que nous puissions partager avec lui. En ce temps de Noël, ouvrons largement nos cœurs à tous ceux qui souffrent, qui attendent de nous un signe d’espérance et que chacun fasse l’effort pendant cette période festive d’être celui qui donne l’espérance à l’autre. Que nous puissions partager avec tous nos frères et sœurs toutes nos valeurs spirituelles. Que nous donnions une parole qui redonne la vie mais pas celle qui la fait perdre son sens.
Pendant ce temps de Noël, apprenons mes frères et sœurs à être sur l’espérance par nos actes, auprès de nos frères et sœurs qui souffrent : les plus pauvres, les déshérités, les méprisés surtout… voilà le message que je voudrais donner.
C’est ainsi que je voudrais souhaiter à toutes nos communautés chrétiennes, partout où elles se trouvent une joyeuse fête de Noël et une bonne année 2023 qui soit une année de paix, prospérité, de communion et d’amour entre nous ».
Propos recueillis par Lydie Waridi Kone
Communication